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 Interview collective d'Ugo Bellagamba

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AuteurMessage
Aphraël
Gentille Chef
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Aphraël


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MessageSujet: Interview collective d'Ugo Bellagamba   Interview collective d'Ugo Bellagamba Empty19/4/2010, 11:47

Petit rappel de notre projet :

Nous nous intéresserons donc à Ugo Bellagamba en
général, et à son roman Tancrède, une uchronie, en
particulier.



Interview collective d'Ugo Bellagamba Tancra10

Citation :
Année 1096. Lorsque son oncle,
Bohémond de Tarente, décide d'abandonner Syracuse et de répondre à
l'appel à la Croisade lancé par le pape Urbain II, le prince Normand
Tancrède de Hauteville y voit la récompense de ses prières vibrantes.
Quitter un Occident qui, inexorablement, s'enténèbre, et marcher sur
Jérusalem pour délivrer le Tombeau du Christ et baigner dans la lumière
de Dieu... Quel destin plus glorieux pourrait-il y avoir pour un jeune
chevalier qui a grandi dans l'ombre d'un grand-père conquérant et d'une
mère qui lui a enseigné la foi et la dignité ? Pourtant, par-delà
Pont-de-Fer, Antioche, et les premiers carnages, la Terre Sainte s'avère
bien différente de tout ce que Tancrède avait imaginé. La médiocrité y
côtoie le sublime, la vanité le recueillement, l'Infidèle s'y révèle
plus honorable que le Croisé.

Dans cet univers à la géopolitique
complexe, le cheminement d'un chevalier ne peut être simple. Tour à tour
apostat et assassin, paria et maître, de l'Anatolie à la Mer Caspienne,
Tancrède devient l'acteur historique qui, d'abord en son for intérieur
puis par ses actes, est appelé à changer le destin de deux mondes, en
accomplissant la plus difficile des conquêtes : celle de son identité.

Il est bien difficile de classer ce roman érudit: la
science-fiction y revisite l'Histoire, pour mieux nous parler de
problématiques très contemporaines.
En tous cas, c'est une belle
incursion de la fiction dans les sciences... humaines, en l'occurrence.
Oui, oui, c'est bien de la SF! Et ce serait dommage de passer à côté.


-------------------------------------------------------------------------------

Et voici l'interview :





  • Pourquoi choisir de créer une uchronie sur une période historique peu connue du lectorat moyen, qui risque de ne pas faire la part de la réalité historique et de la fiction ?


En fait, je ne l'ai pas vraiment choisie, cette période historique : elle était, disons "livrée" avec le personnage de Tancrède de Hauteville, élément central de mon projet d'uchronie. Je savais que cela allait me demander beaucoup de recherches, et me poser des difficultés lorsqu'il s'agirait de transmettre au lecteur les informations capitales, mais, dès que j'ai commencé à travailler sur les sources et que je suis tombé sur la Chronique Anonyme de la Première Croisade, j'ai compris que je tenais là un sujet en or : l'histoire d'un chevalier qui part en Terre Sainte, participe à la première croisade, la prise
d'Antioche et de Jérusalem et découvre un autre chemin de vie qui l'entraîne jusqu'à Alamut. Bon, j'ai tout de même envisagé des alternatives, heureusement toutes abandonnées. Les voici, pour le fun : Tancrède a failli être un soldat américain durant une troisième guerre du Golfe uchronique, ou un maître des assassins du futur, poursuivi par ses pairs à travers les centaines de mondes d'un space-opera byzantin.
Ouf, hein ?


  • Avais tu ce problème à l'esprit en écrivant le roman, et pourquoi n'as tu pas facilité la lecture en joignant des cartes, par exemple ?


J'avais établi une carte, mais elle était hideuse, une vraie monstruosité ! André-François Ruaud n'a pas jugé nécessaire de faire appel à un dessinateur, et nous avons laissé tombé l'idée. J'avais rêvé, dans une première phase à un rappel de la carte à chaque chapitre, en médaillon, avec la trajectoire de Tancrède. Un truc à la Indiana Jones. Stupide. Aux lecteurs auxquels il manquerait une carte, je dis : on n'est pas dans un roman de fantasy commerciale et il suffit d'ouvrir un bon dictionnaire. Vous devez avoir ça près de vous, c'est sûr.


  • Pourquoi le choix du personnage de Tancrède, en dehors des explications données dans l'épilogue ?


Il fallait que ce soit Tancrède, c'est tout. C'était le personnage principal de l'opéra baroque d'André Campra que mon grand-père chef d'orchestre avait redécouvert. Je n'ai pas "choisi" Tancrède, c'est plutôt lui qui m'a "saisi", il y a de longues années. Non parce qu'il incarnait l'idéal chevaleresque, car, à tout prendre, j'aurais préféré d'autres Croisés, comme Godefroy de Bouillon, ou le fondateur de l'ordre des Templiers, Hugues de Payns, sur lequel j'avais déjà écrit une courte nouvelle, ou encore me concentrer sur le personnage fascinant de Saladin. Mais voilà, si ce que j'écris est inspiré par l'Histoire, mon "déclencheur" vient surtout d'un besoin, profondément ancré, de rendre hommage à mes prédécesseurs, de transmettre ce que l'on m'a donné, y compris au sein de ma famille...


  • Pourquoi avoir voulu offrir un roman, où la part historique est plus apparente que la part uchronique ?

Ce n'est pas nécessairement vrai : même si la dimension historique domine, telle une vague puissante, le roman, elle cache, dans son reflux, la naissance de l'uchronie, qui intervient très tôt, dans le processus narratif, dès le passage de Tancrède à Tarse pour s'épanouir pleinement à Alamut. Quant à la difficulté, pour le lecteur, de débrouiller l'histoire de la fiction, dont vous parliez tantôt, elle faisait partie intégrante du projet : je voulais écrire une "divergence historique" en train de se former. Dans Tancrède, de nombreux éléments qui paraissent uchroniques sont réels, et vice-versa. Les dates, les
personnages et les lieux correspondent trait pour trait à l'Histoire telle que nous la connaissons. Mais leur caractère, leur histoire, leur rôle, et leur destinée, relèvent de l'Imaginaire. Au fond, si j'étais Anglais, je dirais que Tancrède est une "alternating history", une uchronie en formation, et ce, sur la plus grande partie du roman.


  • Il nous semble que le noeud uchronique apparaît lors du massacre de Maara, est ce que notre analyse est bonne, ou les points de divergence sont-ils ailleurs ?

Maara est l'un des passages les plus marquants du roman et de l'histoire de la première croisade, bien sûr, mais à mes yeux, son horreur n'explique pas, à elle seule, le basculement moral et politique de Tancrède. Tout au plus le massacre de Maara l'accélère-t-il... Le roman ne s'appuie pas sur un seul point de divergence, mais sur plusieurs : ils s'étendent, en amont et en aval, de la bataille de Jérusalem, certains sont presqu'imperceptibles, d'autres évidents. C'est ce qui, je crois, a déplu à certains puristes de l'uchronie. Et c'est pour cela, aussi, que l'écriture de Tancrède a pris tant d'années.


  • Pourquoi ne pas avoir mis en avant les raisons du changement de religion de Tancrède, et ce qui a su le toucher dans l'Islam ?

C'était très difficile, et sans doute hors de portée dans le cadre d'un simple roman. Mais, pourtant, j'estime l'avoir fait, en partie. Ce que Tancrède apprécie dans l'Islam, c'est sa diversité, sa richesse, à partir de laquelle il tente de bâtir une unité fructueuse, qui pointe vers un avenir meilleur, et qui ne soit pas aussi dogmatique que celle de la Chrétienté du XIème siècle, consécutive à la réforme grégorienne. Mais, si vous lisez attentivement, vous vous rendrez compte que le changement de foi ne touche pas à la motivation essentielle de Tancrède : il continue à se considérer comme un humble serviteur de Dieu.


  • Au risque de te paraître fleur-bleue, pourquoi ne pas avoir travaillé plus de sentiments amoureux dans ton roman ?

Clorinde, tout comme Gaston de Béarn, est un personnage important, car elle accompagne, voire impulse, l'évolution de Tancrède. Leur histoire d'amour aurait-elle pu être plus développée ? Non. Clorinde est une initiatrice, une civilisatrice, bâtie sur le modèle de la femme médiévale. Avec Gaston, elle reconstitue la triade médiévale, si chère à Georges Duby : le chevalier, la femme, et le prêtre (ce dernier est ici remplacé par l'ingénieur béarnais qui recrée les machines de Héron et accélère l'uchronie). Mais, j'entendais faire écho au livret d'Antoine Danchet dans lequel Tancrède "perd" Clorinde par sa faute, et sacrifie l'amour à son rêve d'unité. La fin du roman lui permet, in extremis, de lui donner la priorité. Toutefois, je ne suis pas Musso, désolé.


  • Un lecteur greffier attribue la construction en deux parties de ton roman à ta formation de juriste. Est-ce le cas ? En quoi ta formation a-t-elle été un frein, ou une aide dans ton écriture ?

Les juristes aiment les plans en deux parties, c'est vrai. Mais le greffier notera qu'il y a plus que deux sous-parties dans chacune ! Plus sérieusement, il y a bien un fondement juridique à cette construction. Elle tient à la conception de la justice ecclésiastique qui distinguait, en matière de pêché, le "for interne", c'est-à-dire, le tribunal qu'est la conscience du chrétien, et le "for externe", le tribunal qui doit juger des manifestations extérieures du pêché. Le chevalier qui devient apostat (for interne) et l'apostat qui devient assassin (for externe) correspondent à cette idée. Et pas de conclusion, comme il se doit :-)



  • Par contre, une lectrice ayant fait des études d'histoire trouve que tu mets plus en avant ta culture historique que ta culture juridique dans tes romans.

Disons que la construction est celle d'un juriste, mais la fascination, celle d'un passionné d'histoire.


  • A l'avenir, penses-tu exploiter davantage les nombreuses pistes science-fictives existant dans le Droit ?

Oui. Et il y en a beaucoup, si l'on songe à l'anthropologie juridique, à l'histoire du droit comparé, des institutions, de la protection sociale, etc. J'ai notamment un projet, qui tourne depuis longtemps, décrivant un conflit social sur un astéroïde minier exploité par des ouvriers adaptés. Je vois cela comme un mélange fructueux entre "Outland", la "question sociale" qui émerge au tournant du XIXème siècle, et "Semailles humaines" de Blish, le tout vu à travers le prisme de la déconstruction actuelle du droit du travail, révoltante. Allez, on se dit rendez-vous dans dix ans ?



  • Tu as vraissemblablement lu Alamut de Vladimir Bartol : à quel point ce roman t'a-t-il inspiré ? Quelles sont tes autres influences littéraires ?

Pour Tancrède, "Alamut" de Bartol m'a influencé, bien sûr, mais pas autant que "Les sept piliers de la sagesse" de T.H. Lawence, l'essai d'Arnold Toynbee sur l'histoire des civilisations, ou encore un roman peu connu, mineur et très court, de Michael Crichton, "Les mangeurs de morts". Derrière Tancrède, il y a aussi et surtout, "l'Uchronie" de Charles Renouvier, qui m'a servi de modèle, depuis le manuscrit apocryphe jusqu'aux anti-croisades, en passant par la question des rapports entre la foi et le politique. Dès sa formulation, l'Uchronie participe de l'ambiguïté de l'utopie : elle est à la fois le
"temps-qui-n'a-pas-été" (u-chronos) et le "temps-du-bonheur" (eu-chronos), ici le rêve d'un syncrétisme culturel, d'une symbiose entre l'Orient et l'Occident, qui contribuerait à la formation d'une "métacivilisation", riche de ses contradictions. Un rêve...


  • As-tu d'autres projets, collaboratifs ou pas, de romans ou d'analyses d'auteurs comme pour Solutions non satisfaisantes ?

Il y aura un passionnant volume de la Bibliothèque des Miroirs (éd. Moutons Electriques) sur les "Uchronies", en coécriture avec André-François Ruaud. Mais, bien que le plan en ait été établi, il a été repoussé sine die, à ma demande, en raison d'obligations universitaires plus pregnantes. Toutefois, j'ai hâte de m'y replonger et, à travers mes articles et mes interventions en colloque, je ne suis jamais très loin de l'utopie et de l'uchronie ; ma réflexion sur le sujet ne cesse donc d'avancer, ce qui rejaillira dans cet essai à venir.


  • Pour finir, certains lecteurs ont fait remarquer que ton écriture n'est pas encore aboutie. Tu as toi-même laissé entendre lors d'une interview que tu gagnerais à te consacrer plus exclusivement à l'écriture... Où te situes-tu à l'heure actuelle dans ton parcours d'écrivain ? (Et là, tu nous détestes...)

Question parfaite. Sincèrement, j'estime avoir progressé depuis "La Cité du Soleil", tout en devenant moins réceptif aux "exercices obligés", et un peu moins "à l'écoute" des désirs de l'éditeur. Je vieillis, quoi. Je pense devenir un auteur, sans l'être encore tout à fait : Tancrède a vraiment toutes les failles et les qualités, à mes yeux, d'un texte d'auteur, non formaté. J'en paye le prix et j'en savoure aussi la liberté. Le prochain texte sera une autre étape, s'il voit le jour.


  • En tout cas, merci pour ton roman qui a su rassembler de nombreux lecteurs et nous passionner.

C'est moi qui vous remercie.
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